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Après Charlie, en début de 2015 | Michel Kichka©

Zainab Fasiki

François Warzala

Claire Bretécher

Fabien Toulmé

Marguerite Abouet

Pour ce 34ème numéro, CULTURAMA continue ses investigations hors des sentiers battus, célébrant la liberté d'expression des bédéistes en hommage à l'équipe de Charlie Hebdo de 2015.


Pour plus d'informations sur un article, cliquez sur les images qui l'accompagnent
LES FANTASSINS DE LA DÉMOCRATIE
Michel Kichka
Pour arrêter le racisme, il faut en parler | Michel Kichka©

Eric de MA’A* : Après l'attentat du 7 janvier 2015, vous affirmiez que tous les dessinateurs politiques étaient les fantassins de la démocratie et que Charlie Hebdo en était l’avant-garde ; c'est pourquoi nous leur devons une dette « incommensurable ». Depuis presque 5 ans, pensez-vous que l'on a pu s'acquitter de cette dette ? Ou au contraire, la tendance serait-elle à la censure, à l'instar de la décision du New York Times de ne plus publier des dessins de presse politique ?

Michel Kichka : Cela ne date pas du massacre à Charlie Hebdo, les caricaturistes sont des « fantassins de la démocratie » par définition. Au XIXème siècle, les dessinateurs de presse l’étaient malgré eux, avant d’en prendre conscience et que cela ne devienne pour tous une évidence.

Le documentaire « Caricaturistes-fantassins de la démocratie » de Stéphanie Valloatto et Radu Mihaileanu  sélectionné au Festival de Cannes en 2014 a été pensé et réalisé bien avant janvier 2015. Aujourd’hui, partout dans le monde, le dessin de presse est sous le feu croisé des rédactions des journaux, des actionnaires des médias, des réseaux sociaux, des politiques dans les régimes démocratiques ou non. 

Un feu croisé et nourri qui comprend ces cinq dernières années (pour ne pas remonter jusqu’à Daumier), des licenciements abusifs, des ruptures de contrat, des censures, des emprisonnements, des poursuites judiciaires, des agressions physiques, des fatwas, des menaces anonymes de mort, des tentatives d'assassinat et des assassinats dans des pays tels que les USA, le Canada, la France, la Turquie, l'Algérie, le Maroc, Israël, la Malaisie, l’Inde, le Danemark, le Venezuela, le Nicaragua, l’Équateur, la Guinée Équatoriale, la Syrie, la Jordanie, l’Égypte, l’Allemagne, le Kenya. La liste est longue, et j’en passe. Nous sommes face à un phénomène qui gangrène la liberté de dessiner où se mêlent intérêts politiques et commerciaux dans un mélange nauséabond de cynisme et de haine violente. Les réseaux sociaux ont quelque part libéré la parole, encouragés par la logorrhée des tweets des dirigeants et les fake news des cyber-pirates.

François Fillon suggérant de revenir sur l'abattage ancestral des animaux | Michel Kichka©

Si on ajoute à cela la décision regrettable du New York Times de ne plus publier d'illustrations suite à la polémique soulevée par le dessin d’Antonio, se dessine un triste tableau de la réalité du métier en ce début de XXIème siècle. Mais il y a aussi les bonnes nouvelles. Les dessinateurs que je mentionne sont menacés parce qu’ils ont décidé, comme la majorité de leurs collègues de par le monde, de ne pas baisser la garde, de ne pas céder, de prendre des risques, de s’exposer, de ne pas avoir peur, de ne pas se taire, de ne pas faire l’autruche, de ne pas renoncer à leur vérité, et de continuer, tels des fantassins sur un champ de bataille, de charger aux premières lignes, avec un crayon pour seule arme et leurs convictions comme munition. Une solidarité sans frontières nous unit tous dans ce même combat pour la liberté d’expression qui est aussi une lutte acharnée pour les droits de l’Homme et pour la démocratie.

Une arme de liberté | Michel Kichka©

Eric : Sous ce feu croisé, les dessinateurs de presse sont majoritairement traités comme des éléments politiques indésirables. Considérez-vous ce traitement comme un frein ou un moteur à la créativité ?

Michel : Je ne dirais pas que les dessinateurs sont majoritairement traités comme des éléments indésirables. Mais beaucoup le sont, et de plus en plus souvent. C'est un fait.

Fort heureusement la réaction des acteurs de la profession, y compris de ceux qui sont les victimes directes des menaces et des condamnations, est de ne pas baisser la garde, de dessiner avec plus de hargne et de combativité, et ils ont très souvent le soutien de Cartooning for Peace ou d'autres associations de cartoonistes de par le monde. Des alertes sont lancées sur les réseaux sociaux, des dessins de soutien sont mis en ligne et repris par différents médias, des avocats bénévoles les défendent en justice, des prix leur sont parfois remis pour leur courage exemplaire, et s'ils n'ont pas d'autre choix, les dessinateurs s'exilent et continuent leur travail ailleurs en attendant un changement de régime ou la chute d'un dirigeant. Dessiner est pour nous, dessinateurs de presse, une fonction vitale, un organe vital. La censure et les condamnations sont finalement contre-productives. Les exemples sont nombreux, Charlie Hebdo s'est relevé de ses cendres, et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.

Eric : Quelles sont les réactions « contre-productives » qui vous ont le plus marqué ? Comment ont-elles été surmontées ?

Michel : Ce que l'on appelle communément « l'Affaire du New York Times », c'est-à-dire le retrait de la caricature d'Antonio et l'arrêt de la publication de cartoons dans son édition internationale, ont suscité une avalanche d'excellents dessins condamnant le journal, prenant la défense de la liberté d'expression, critiquant la décision peu courageuse du journal, son refus d'assumer ses responsabilités et ses choix éditoriaux et son manque de soutien aux dessinateurs, puisque le journal a rompu le contrat qui le liait à Chappatte et à Heng. Des dizaines de dessinateurs partout dans le monde ont réalisé une parodie du dessin incriminé d'Antonio.

Je me suis moi-même prêté au jeu avec jubilation en dessinant quatre variantes. De nombreux articles de qualité ont été publiés sur papier et sur la toile. Tous ont mis en évidence le peu de crédibilité du NYT, une bien mauvaise pub pour ce prestigieux journal fondé en 1851 et riche de 112 Prix Pulitzer.  Un autre exemple est l'abondance des dessins réalisés en soutien à Charlie Hebdo après le terrible massacre du 7 Janvier 2015. Les terroristes ont voulu réduire le journal à néant et le résultat fut que son tirage atteignit plusieurs millions d'exemplaires pendant les semaines qui suivirent et le rendirent célèbre dans le monde entier alors qu'il n'était plus lu que par quelques dizaines de milliers de lecteurs en France. Le journal a reçu le prix « Courage et Liberté d'Expression » de la part de l'association internationale d'écrivains PEN aux États-Unis. Beaucoup de dessinateurs osent aller plus loin dans leurs dessins, une contre-réaction saine et salutaire. 

+d'infos : Blog personnel

LE FÉMINISME MAROCAIN !
Zainab Fasiki

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le magazine des explorateurs de tendances !

Le 21ème siècle s'ouvre avec une révolution des médias et de nouveaux paradigmes. Le Réseau Social MON AGEND'ART* opère sa mue .2 en 2020 et se transforme en CULTURAMA : un web-magazine d'Art et une chaîne Web-TV qui proposent des coups de cœur, des exclusivités, des interviews, des reportages.
EN PISTE
François Warzala
Parfum d'enfance | «Cette image évoque des odeurs qui me viennent de l’enfance : celles du mimosa et des pins» | François Warzala©

Eric de MA'A* : Vos illustrations représentent souvent un sentiment intime, plus qu’une situation. Elles célèbrent l'humanité et pointent à la fois sa diversité et ses singularités. Parfum d'enfance en est un exemple parmi d'autres. Ces illustrations transposent-elles des émotions de votre passé ?

François Warzala : Concernant Parfum d'enfance,
il s’agit bien d’une recomposition de souvenirs sensibles : parfums, sensations, et non d’un souvenir exact. Il m’arrive de composer des images évoquant une ambiance ou une atmosphère mais aussi, en d’autres occasions, de traduire une idée, un concept ou représenter un événement. Cela dépend du but que je me suis fixé ou de la demande que l‘on m’a faite.

Pour ou contre la publication d'articles de presse directement sur Facebook ? | Version non-censurée | François Warzala©
Eric : À quel âge et dans quel contexte avez-vous commencé à dessiner pour vous exprimer ? Quels étaient vos sujets de prédilection ?

François : J’ai, bien sûr, été attiré par le dessin dès l’enfance. C’est pourquoi j’ai fait mes études dans une école d’
Art où j’ai pu apprendre beaucoup et élargir mon horizon. Par la suite, professionnellement, il m’est arrivé de temps en temps d’avoir à dessiner mais j’ai commencé à le faire régulièrement vers l’âge de 30 ans.
Les commandes d’illustrations venant de journaux qui m’ont été faites portaient sur des questions de société ou d’environnement principalement. Parallèlement, j’ai fait des livres pour enfants dans lesquels les aspects poétiques et humoristiques étaient présents.
Rivière Huang He | François Warzala©
Eric : Vous dites avoir beaucoup appris en école d’Art. Qu’en avez-vous retenu ?

François : Dans le cadre de mes études, j’ai pu toucher un peu à tout : photographie, graphisme, composition, modèle vivant, etc. J’ai retiré beaucoup de l’apprentissage du graphisme : intérêt pour la composition, les formes, la typographie, les rapports d’aplats de couleur et une certaine manière de concevoir un visuel et de lui donner du sens. La sensibilité, le style, je ne pense pas que cela s’acquiert dans une école. On peut s’y éduquer l’œil mais la sensibilité, on l’a déjà au fond de soi. Quant au style, il est le produit de son propre apprentissage qui débute bien avant les études et se poursuit bien après.
Zanzibar | François Warzala©
Eric : Quelles sont vos BD préférées et comment ont-elles influencé votre œuvre ?

François : Bien sûr j’ai été marqué par la ligne claire d’Hergé, d’Edgar P. Jacobs ou même d’Yves Chaland. La netteté du trait, la lisibilité des planches de leurs albums m’ont toujours paru être des éléments essentiels en termes d’influence. Cela dit, j’admire la virtuosité d’autres dessinateurs comme Alberto Breccia ou Sergio Toppi. Ou encore, bien qu’il n’ait fait que très peu de bandes dessinées et qu'il se soit surtout consacré à l’illustration : Georges Beuville dont le trait enlevé et cocasse est un régal.
Bretagne | François Warzala©

« Personne n’a besoin de savoir ce que je pense et surtout pas moi ! »
Claire Bretécher

+d'infos : Wikipédia

L'ODYSSÉE D'HAKIM
Fabien Toulmé
Ce n'est pas toi que j'attendais | Éditions Delcourt | Fabien Toulmé©

Eric de MA'A* : Ingénieur urbain, vous vous êtes trouvé en tant que dessinateur grâce aux voyages. Votre album Les Deux Vies de Baudouin parle de cette métamorphose personnelle : faire face à une tragédie, partir, réaliser ses rêves, mais ailleurs. Selon vous, quels sont les facteurs de transformation qui opèrent dans le voyage ?

Fabien Toulmé : Il s’agit non pas de facteurs de transformation mais d’éléments que l’on apprend sur soi-même.

Le voyage suppose un départ de sa zone de confort et souvent, en le faisant, on se teste, on apprend sur soi dans le rapport à autrui, dans l’apprentissage d’une nouvelle langue, d’une nouvelle culture. Cela est le premier pas pour aller au-delà de ses limites et de ce que l’on connaît déjà. Ainsi, en apprenant plus, on élargit son champ de vision. Pourtant, il y a des gens qui ne voyagent jamais. Le fait de s’ouvrir fait que l’on évolue en tant qu’être humain, que l’on progresse, que l’on devient, sans doute, plus sensible aux autres. En restant dans son milieu, dans son village, dans sa ville, on se sclérose, on croit tout savoir quand on ne connaît que peu de choses. Et en effet, la xénophobie est plus présente dans les régions rurales alors que les étrangers y sont rares et que la population voyage assez peu. En revanche, plus on s’ouvre au monde, plus on apprend, plus on s'enrichit, et plus on se confronte à d’autres réalités, plus on se rend compte à quel point notre réalité n’est pas aussi terrible que l’on veut bien le croire ou, au contraire, on réalise que l’on a des choses à partager avec les autres.
L'Odyssée d'Hakim, T1 : De la Syrie à la Turquie | Éditions Delcourt | Fabien Toulmé©

Eric : Votre première œuvre publiée, Ce n'est pas toi que j'attendais de 2014, est un témoignage sur la parentalité, le handicap*, la tolérance. Il s'agit d'une problématique intime que très peu d’auteurs abordent. La création de cette bande dessinée a-t-elle été difficile pour vous ?

Fabien : Avec le recul, je me rends compte à quel point cette création a été fluide. Au moment où j’ai proposé le projet à l’éditeur, Julia avait trois ans : la période difficile après la naissance s’était déjà passée. Je me trouvais donc dans une phase sereine. À cette époque-là, j’exerçais encore le métier d’ingénieur, et j’avais une très grande envie de créer une bande dessinée. Il y avait cette soif de création, de faire ce que j’aime, de quitter le métier qui me déplaisait. Je faisais du dessin le soir après mon travail d’ingénieur. Sans doute, j’étais fatigué physiquement, mais mentalement, il y avait cette envie et cette volonté de faire de la bande dessinée. La seule difficulté, que je n'apercevais pas à l’époque, résidait dans l’exposition publique d’un sujet vraiment personnel. Il est vrai que quand on crée un livre, d’autant plus son premier, on n’a pas forcément conscience du fait que l’on sera lu. D’un autre côté, c’est plutôt un avantage : j’ai ainsi écrit ce que je n'aurais pas écrit si j’avais eu conscience de la portée de cette publication. 

*La fille de Fabien, Julia, est porteuse d’une trisomie non dépistée.

Les Deux Vies de Baudouin | Éditions Delcourt | Fabien Toulmé©
Eric : Cette absence de conscience de la portée de son travail est-elle un préalable nécessaire à la création ?

Fabien : Je n’ai pas de réponse universelle à cette question. Dans mon cas, il y a cette notion d'égoïsme dans la conception d’une œuvre. Lorsque l’on travaille sur quelque chose qui nous fait plaisir, lorsque l’on suit une envie, le bon résultat est garanti. Effectivement, en envisageant la diffusion de l’œuvre et, dans la mesure du possible, son succès, on quitte la raison originelle pour laquelle on s’est lancé dans cette activité, c’est-à-dire le plaisir de suivre une forme d’expression. Par exemple, tout ce qui est l’œuvre de commande, bande dessinée ou illustration, m’apporte moins de plaisir... Donc, votre hypothèse est vraie : il vaut mieux créer d’abord pour soi, et seulement après, voir quoi faire avec le résultat.
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Ce n'est pas toi que j'attendais | Éditions Delcourt | Fabien Toulmé©

AYA DE YOPOUGON !
Marguerite Abouet

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